Meetings in Bishkek
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Surprise ! Le peuple kirghize semble avoir une longueur d’avance sur ses voisins quand on regarde la liberté d’association, le nombre et le profil des organisations non-gouvernementales du pays. Venant de l’Iran, de l’Ouzbékistan et du Turkménistan, on comprend vite que la donne n’est pas la même. On y trouve des associations faisant du développement communautaire, agissant dans différents domaines (droits de l’homme, appui à l’initiative économique, promotion de la démocratie...), des associations socio-professionnelles (union des scientifiques, association des femmes d’affaires), des structures de médiation et de coordination (Interbilim, Association des centres d’appui de la société civile) et enfin les agences et bailleurs de fonds internationaux. Si tout ce monde coexiste, c’est qu’à la différence de l’Ouzbékistan, le cadre gouvernemental et légal se prête mieux à l’émergence des acteurs et à la coopération : un certaine liberté d’expression est tolérée, les flux financiers étrangers d’aide internationale sont équivalents à 10% du PIB en 2002 - source PNUD contre 2% pour l’Ouzbékistan. On peut aisément rencontrer des citoyens avertis des faits politiques, lire une presse indépendante (voir les liens en fin d’article) et éventuellement assister à des manifestations publiques réclamant des élections légitimes et transparentes, s’adressant directement au gouvernement et dont la campagne est soutenue par l’ambassade des Etats Unis. Tous les acteurs que nous avons rencontrés ont la possibilité de bénéficier directement ou indirectement de subsides de l’aide internationale. On en voit l’effet miroir : les politiques des bailleurs façonnent en partie l’offre citoyenne. Il est plus rare de voir des acteurs se retrouver autour de problèmes, de défis, de thématiques de travail, que de projets sectoriels ou de programmes plus facilement finançables dans les schémas de coopération actuels. Il faut pourtant noter les formes d’initiatives initiées spécifiquement autour d’une problématique ou d’une idée commune : groupe de travail sur la réforme de la constitution kirghize, groupe de veille et d’observation indépendants, coalition pour la démocratie et la société civile par exemple.
La puissance publique semble jouer le jeu sans complètement le jouer. Les derniers événements ont provoqué des arrestations sommaires et la disparition de parlementaires et sont fortement pointés et contestés par la population. La scène politique kirghize est fortement agitée, sous haute surveillance parce que délicate dans ce foyer sensible d’Asie centrale où les frontières et les identités sont un véritable sac de noeuds. La culture des relations gouvernants-gouvernés paraît être logiquement du même terreau que les pays voisins. Elle est jeune, 10 ans d’indépendance et formatée par le clanisme culturel et la centralisation du pouvoir léguée par l’ancien système soviétique transformée rapidement en république parlementaire. Certaines associations déclarent elles-mêmes qu’elles fonctionnent suivant des relations de préférence et électives.
D’autres défis se posent aux pays et se lisent dans le panorama d’interviews qui suivent.
la promotion d’une éducation formant des citoyens autonomes et responsables,
la promotion d’une université libre permettant la diffusion des connaissances et le dialogue des disciplines,
la construction de la paix dans l’ensemble sous-régional avec et grâce à la promotion d’une citoyenneté régionale,
la réforme de la gouvernance territoriale avec notamment le travail en cours sur la constitution kirghize avec le renforcement de la société civile kirghize,
la formation d’une capacité d’expertise et de propositions de la société civile face aux changements locaux et internationaux,
la transition vers un autre système économique et l’insertion dans le marché international.
Quoi qu’il en soit, certaines des directions prises par ce petit pays d’Asie centrale, qui paraît bien petit au milieu du continent asiatique, coincé entre la Chine, le Kazakstan et l’Ouzbékistan, pourraient montrer d’autres attitudes et formes de gouvernance à ses voisins russophones.
Académie de management placée sous l’autorité du Président de la République
rencontre de Adam Zakirov - directeur de l’Institut d’administration publique, Almaz Nasyrov - vice-recteur, Galina Eshmukha-Medova - département des relations internationales et Munzaev Salih Kadyriekovich - professeur associé.
Cette académie est un des centres de formation à l’administration publique du Kirghizistan et est spécialement placée sous l’autorité du chef de l’Etat. Ce statut confère à l’académie un pouvoir de conseil et de proposition. "Quels sont les challenges dans notre pays ? Pour vous citer les principaux sur ce qui nous est proche :
1. le projet de réforme de la gouvernance territoriale qui prévoit de réduire notamment nos quatre niveaux actuels de décision : Etat, province, district, municipalité.
2. réduire la violation des règles et des mécanismes de gouvernance entre autres la corruption et les abus de pouvoir.
3. conduire de manière satisfaisante la transition économique du pays dont les effets se voient aujourd’hui en terme de fermeture d’usines, de chômage et de pauvreté.
4. sortir du système soviétique fortement centralisé, vertical et promouvoir les coopérations et les relations entre institutions.
La crise politique actuelle pourrait être une opportunité pour réinterroger notre organisation politique. L’élection récente du président Bakhaiev nous laisserait du temps pour faire un état des lieux et construire des alternatives sous la forme d’une conférence sous-régionale. Ce processus metterait en avant l’échange d’expériences et la recherche de principes de gouvernance connectés à notre histoire".
Compléments :
le site web de l’Académie
Public administration and public policy in Emerging Europe and Eurasia (initiative coordonnée par une équipe slovène)
Institut d’études régionales
rencontre de Atyrkul Alisheva - directrice.
Dommage ! Deux jours après notre arrivée, l’Institut organisait une table-ronde avec des associations locales à propos de la crise politique kirghize. Atyrkul nous y invitait cordialement, même en en parlant pas un mot de russe ! "La scène politique kirghize est très mouvementée : la Révolution de mars dernier, le départ du président Akhaiev, les tensions entre le 1er ministre, le nouveau président Bakhaiev, le Parlement et la population, les abus de pouvoir qui se multiplient de la part de nos dirigeants créent une situation de crise dans notre société.
L’objet de notre table-ronde est de construire une vision partagée et de bâtir des propositions notamment dans le cadre de la réforme de la constitution kirghize. Nous sommes associés à sa révision, initialement lancée par le gouvernement, et notre désaccord avec les officiels s’est élargi au sein du Conseil constitutionnel, tant et si bien que nous avons lancé un véritable travail notamment avec des partenaires de l’Europe de l’est, le groupe d’Helsinki pour faire des propositions concrètes. Nous planchons sur la répartition des pouvoirs, sur les droits humains, l’exercice de la justice et nous aurions besoin d’un coup de main sur le plan juridique avec des juristes internationaux".
L’institut, renommé au Kirghizistan, est une association née en 1994 au sein de l’université d’Etat avec des universitaires, qui s’est instituée par la suite sur le plan juridique. Sa vocation est de contribuer à la création d’une conscience citoyenne et de promouvoir l’expertise indépendante des intellectuels locaux et la diffusion de leurs idées. Il publie des ouvrages, organise séminaires, groupes de travail, formation, anime un réseau d’enseignants autour des pratiques de pédagogie active. Elle effectue également un travail de lobbying et de conseil auprès du gouvernement.
"Une de nos idées phare est de promouvoir une éducation qui prépare les citoyens à construire et vivre la démocratie. Notre système maintient une relation frontale avec les élèves, avec peu d’éducation sur les droits et les responsabilités et peu d’interactivité. Nous participons à sa réforme en connectant les porteurs d’une autre pratique et d’une autre vision au sein de ce réseau d’enseignants constitué dans le cadre du programme d’éducation civique (soutenu par National Endowment for Democracy, Counterpart consortium, Eurasia foundation), également avec des partenaires ouzbeks, turkmènes et kazaks".
En savoir plus :
le site web de l’Institut
Université américaine d’Asie centrale
Dix minutes avec Aïda Alymbaeva - directrice du Centre de recherche sur les politiques publiques.
L’équipe d’Aïda veut aider en particulier l’élaboration et la diffusion d’une expertise des universitaire locaux sur l’orientation des politiques publiques. "Nous manquons de capacité d’expertise au Kirghizistan dans beaucoup de sphères professionnelles, y compris au gouvernement. Pour preuve, le Kirghizistan, adhérent à l’OMC, a demandé au FMI de planifier sa macro-économie. On laisse difficilement les jeunes intégrer l’administration. En même temps que d’imaginer des processus d’élaboration des idées, nous voudrions par ailleurs contribuer à renforcer le rôle des leaders sociaux" déclare Aïda.
L’université américaine est née d’un projet monté au sein de l’université de la république kirghize par des universitaires, puis est devenue indépendante juridiquement, avec le soutien instantané de la fondation Soros. Elle propose des formations dans le domaine des sciences politiques, de la sociologie, de l’économie et de l’administration.
En savoir plus :
le site web de l’AUCA
Union des scientifiques
rencontre de Valéry Eremchenko - professeur d’écologie et coordinateur de l’union des scientifiques, ancien conseiller du président Akhaiev.
"Le Kirghizistan regorge d’âmes chaleureuses mais il est politiquement corrompu. La pratique de la politique est imprégnée de populisme, de clanisme et est conduite comme un bulldozer. La façon de partager, distribuer et élaborer les connaissances en particulier pose problème :
les cerveaux ont tendance à fuir à l’étranger,
l’administration concentre le pouvoir et aussi le savoir dans les mains des administrateurs eux-mêmes fortement politisés ; cela s’est renforcé depuis 1994,
le modèle et la culture universitaire comportent cloisonnements, rivalités et séparations des disciplines sans priorité mise sur la coopération,
la réduction des moyens : les difficultés économiques, la montée des prix de cette année, la pauvreté amènent à réduire les moyens dédiés aux activités universitaires.
L’union des scientifiques a été créée en 1994 dans le but de revaloriser les travaux universitaires et les relations entre chercheurs. Son activité est en stand-by actuellement.
Je souhaiterais pour ma part montrer les difficultés de notre développement, relancer le dialogue entre scientifiques. Mais il faut avouer que les fonds me manquent. Beaucoup de professeurs exercent un double-métier ici : taxi-chercheur par exemple, c’est très à la mode !
Côté écologie, le Kirghizistan est une mine d’or, mais la conscience des enjeux écologiques est très rare voire absente. Les difficultés économiques ne nous aident pas. NABU, une association internationale réalise à mon sens un très bon travail pour la conservation de la nature".
NB : un grand merci à Maria, étudiante à l’université américaine, pour sa traduction souriante, instantanée et efficace.
Interbilim
rencontre de Elena Voronina - coordinatrice des programmes.
Interbilim voit le jour en pionnier en 1993 avec l’idée de soutenir et d’accompagner l’action du tiers secteur kirghize et de le renforcer. Depuis lors, une dizaine d’acteurs sont actifs dans ce domaine sont reliés dans le cadre de l’Association des centres d’appui de la société civil (ACSSC).
Au menu chez Interbilim :
aide à l’émergence des projets portés par les communautés (identification-expression des besoins, formation aux aspects organisationnels-institutionnels, conseil-accompagnement),
recherche, études, veille, lobbying sur les données relatives à l’amélioration de l’action associative. L’association est basée sur Bichkek et Osh.
"Parmi les 5 000 associations enregistrées, on peut dire que 10% sont seulement effectives. Avec la montée des demandes d’appui des associations, nous sommes passés d’une intervention directe à des processus plus larges de formation et d’expertise collective. Nous avons par exemple constitué un groupe de conseil et de suivi, une sorte d’observatoire indépendant. Celui-ci tente de rassembler des données, d’échanger expériences sur les dispositifs de coopération et de faire des propositions aux bailleurs et institutions. Nous travaillons sur la Constitution kirghize, et par ailleurs, nous sommes membre du World Bank Watch pour lequel nous fournissons des diagnostics sur les processus de coopération".
NB : nous avons organisé avec Interbilim une présentation de l’outil de cartographie conceptuelle -> voir le site
Compléments :
http://www.cango.net.kg
Counterpart consortium
la fondation Soros
http://www.icnl.org
Fondation Eurasia
rencontre de Shakirat Toktosunova - directrice régionale.
La fondation Eurasia est une Ong alimentée majoritairement par l’USAID (70%). Sa vocation, partagée avec d’autres organismes internationaux, est de faire avancer la démocratie et l’entreprenariat privé dans les douze nouveaux pays de l’ex-URSS comprenant tous les états d’Asie centrale. Elle est implantée au Kirghizistan depuis 1994. La particularité d’Eurasia, c’est sa fonction de donneur de fonds. Sa principale politique est de redistribuer des subventions dans les domaines de l’entreprenariat privé, de l’éducation, du développement communautaire et du renforcement de la société civile (associations et médias). Elle fournit également assistance technique aux porteurs de projet.
Outre sa politique de formation, Eurasia anime une politique volontariste de mise en relation des acteurs, des réflexions et des expériences avec notamment :
la promotion de la coopération transfrontalière Ouzbékistan - Kirghizistan - Tadjikistan,
un consortium pour l’éducation et l’économie (travaillant sur le phénomène de corruption, la gouvernance et la coopération régionale),
un réseau de recherche appliquée en Asie centrale (cadre de recherche sur les politiques publiques),
l’appui à l’émergence de médias indépendants (Akipress),
la promotion de l’accès à internet et l’innovation pédagogique en partenariat avec le ministère de l’Education.
"Nous avons à l’interne un système de gestion de notre mémoire et des projets qui nous sont envoyés (Grants Management System). Le système est commun à toutes les équipes d’Eurasia. Tous les documents utiles sont stockés et indexés avec des mots-clés (thèmes, cibles, programmation, acteurs). Cela nous permet d’assurer une continuité dans le suivi des idées, des financements, des échanges et des calendriers. Nous avions commencé en 1994 sans réelle stratégie, puis nous sommes rentrés dans des cycles d’élaboration, de conduite et d’évaluation de notre action. Nous redéfinissons notre stratégie par cycle de trois années en recourant à des enquêtes, brainstorming et en s’appuyany sur notre organe de conseil et de délibération au sein de Eurasia" explique Shakirat.
En savoir plus :
le site web d’Eurasia
+ http://www.eurasia.org
Coalition pour la Démocratie et la Société Civile
rencontre express de Edil Baisalov - président.
Un des premiers chantiers lancé par la coalition a été, parallèlement à son activité éditoriale avec l’hebdomadaire Demokrat, de participer à la supervision des dernières élections législatives (février 2005) et présidentielles (juin 2005). Elle réalise aujourd’hui un travail de conseil, d’étude et de veille sur les lois, de lobbying et de plaidoyer. Une coalition d’Ngo s’était formée en 1998 lors du référendun sur la constitution kirghize, elle était restée ponctuelle. "Notre coalition a contribué a révélé le tiers secteur en le plaçant dans le débat politique. Le milieu politique étant très fragmenté et sans agenda réel, il nous paraît essentiel de porter un discours pérenne et durable" confie Edil.
La coalition est soutenue par l’USAID, the National Democratic Institute, l’OSCE et la fondation Soros.
En savoir plus :
http://www.ngo.kg
En deux mots :
Kelkel
rencontre de Mamatkazy Kaparov - coordinateur du réseau.
Tout frais, tout neuf depuis janvier 2005, le mouvement de jeunesse Kelkel réclame un autre exercice du pouvoir et la responsabilité des citoyens. Ils ont largement participé aux manifestations de mars 2005 et continue leur action de sensibilisation et de revendication essentiellement. Le mouvement a tissé des liens avec leurs homologues de la jeunesse géorgienne (Kamara) et kazaque (Para).
En savoir plus :
http://www.kelkel-kg.org
Alliance de l’eau en Asie centrale
rencontre de Elmira Joldosheva - coordinatrice des parlements de jeunes.
L’alliance promeut la citoyenneté et la participation active des citoyens dans la vie collective. Elle a initié et expérimente une gestion communautaire, innovante et exemplaire, de l’eau dans 14 villages kirghizes et ouzbeks et la promotion de parlements de jeunes au sein de ces villages.
En savoir plus :
http://www.caaw.net
Nabu
rencontre de Torsten Harder - directeur.
Née de l’Ong allemande Nabu, Nabu a d’abord été à partir de 1999 l’outil pour concrétiser le projet de réserve mondiale de biosphère dans le nord-est kirghize (région d’Izil-Kul). Elle est désormais autonome depuis 3 ans et son travail de sensibilisation du public, de suivi et de protection directe sur le terrain en fait l’une des Ngo les plus actives en Asie centrale. "Notre Ong fait aussi un travail d’insertion et de formation complémentaire aux universités. Nous accueillons les jeunes diplômés pour leur donner une possibilité de s’immerger dans l’action professionnelle. Nous souhaitons à présent étendre l’action de Nabu dans les autres pays d’Asie centrale".
En savoir plus :
http://www.nabu-international.de
http://www.irbis.kg
D’autres liens vers des sites d’information et des medias :
http://www.kyrgyz.us
http://www.akipress.net
http://www.zaman.org
http://www.ned.org
http://www.eurasianet.org
Mots-clés
Aire géo-culturelle: Asie centraleCatégorie d’acteur: Alliance et réseau - Enseignant et universitaire - Etat et gouvernement ou pouvoirs publics - Fondation et organisation internationale - Jeune - Média, journaliste et éditeur - Ong - Organisation de la société civile
Domaine d’action: Démocratie - citoyenneté - Environnement et écologie - énergie - Gouvernance - politique
Méthode d’action: Animation et coordination des réseaux et organisations - Construction d’une parole - lobbying - Diffusion des idées et des propositions - Formation - renforcement des capacités - Recherche de financement et de pérennité - Relation avec les acteurs institutionnels
Mutation sociale: 1 Diffuser, partager la connaissance et transformer le système éducatif - 1 Promouvoir une éthique commune - 3 Développer la citoyenneté active - 3 Réformer la gouvernance locale : promouvoir les principes communs de gouvernance au niveau local - 4 Contribuer à faire évoluer les représentations des rapports humanité/biosphère