Ibrahim Manzo Diallo invente Aïr Info à Agadez
« Le massif de l’Aïr au nord du Niger est un endroit délicat à traverser suite aux incidents qui ont eu lieu début 2004. L’emprisonnement de Khissa Boula, ancien chef de front pendant la rébellion touareg, devenu ministre lors de l’intégration des militants au sein de l’Etat nigérien après les accords de paix, a relancé l’hostilité de groupes rebelles dans le massif de l’Aïr. La zone n’est pas sécurisée et je trouve irresponsable que les pouvoirs publics et les médias ne prennent pas des mesures pour limiter le passage des touristes dans ce secteur ». Après avoir cité cet exemple, Ibrahim Manzo Diallo affirme la nécessité de produire une information éclairante placée au coeur de la démocratie et pointant sans artifices les défis et les dysfonctionnements du pays. Une information qui devrait être, selon lui, le dénominateur commun de la formule que le journal a hissée au rang de devise : « Il ne peut y avoir de développement durable sans démocratie véritable ».
« Le premier numéro de Aïr info est sorti le 9 août 2002 » raconte Ibrahim. « Ce fût un événement pour moi. Je rêvais depuis longtemps de devenir journaliste. Lorsque j’étais étudiant en lettres modernes à l’université de Niamey, je regrettais de n’avoir aucune information sur l’actualité d’Agadez. La presse écrite existait bien entendu, mais les journaux de la capitale n’avaient pas de correspondants en dehors de la ville. Après mes études, je suis devenu enseignant et j’ai exercé à Bilma dans l’extrême nord du Niger jusqu’en 2002, puis à Agadez. L’idée de créer un journal me trottait dans la tête. La décentralisation se mettait en place au Niger et annonçait des relations plus fortes au sein des régions et des communes. Coïncidence heureuse : un beau jour, une imprimerie vient s’implanter sur Agadez ! Il y avait déjà deux radios locales sur Agadez mais il n’existait pas de presse écrite hormis celle produite à Niamey et distribuée jusqu’ici. Je me renseigne alors sur les coûts d’impression, je contacte un ami journaliste travaillant dans un autre journal, le Républicain, pour avoir un coup de main sur le montage du journal, et je me lance dans la rédaction du premier numéro.
J’organisais mes interviews pendant mon temps libre entre 14h et 14h30 et entre 17h et 20h. J’y travaillais le soir et la nuit après mes cours ! Mon salaire y est passé en partie : le premier numéro m’a coûté au total un mois de salaire ! Tout a été écrit à la main puis saisi sur informatique afin de lancer l’étape d’impression. Le dépôt légal de « Aïr info » s’est fait avec ce premier numéro paru le 9 août 2002. Ce n’est qu’en mars 2003, après avoir édité cinq numéros de Aïr info, que j’ai décidé de stopper ma carrière d’enseignant pour me consacrer entièrement au journal. Ce choix a d’ailleurs surpris et bousculé ma famille et mon entourage ! ».
Aïr info se veut être un support d’information régionale et fonctionne de manière indépendante. Son contenu est défini collectivement avec l’ensemble des collaborateurs et rédacteurs, ce qui a amené progressivement à le structurer sous forme de rubriques abordant la politique, l’économie, la vie culturelle, l’actualité internationale et l’éducation. Pour Ibrahim, le leitmotiv de Aïr info est « d’éveiller les consciences, de cultiver le sens de la démocratie et de proposer une vision objective de la vie sociale et du développement. Notre priorité aujourd’hui est de faire connaître davantage le journal et de donner la parole encore plus aux jeunes, aux femmes et aux habitants d’Agadez et de ses environs » déclare-t-il.
En avril 2004, le journal est officiellement devenu un groupe de presse et fonctionne dorénavant avec 5 permanents au siège d’Agadez et 7 correspondants répartis dans le reste de la région. Il a bénéficié début 2004 d’un soutien financier du département des Côtes d’Armor en France dans le cadre de la coopération décentralisée. Mensuel, tiré à 1000 exemplaires et vendu à 200 CFA (0,3 euro) l’unité, Aïr info est distribué dans la région d’Agadez et sur Niamey. Les correspondants locaux sont rémunérés directement grâce aux recettes que leur procurent la vente du journal dans leur secteur respectif et participent également à la recherche des partenaires commerciaux. Le mensuel boucle son budget (en moyenne 400 000 CFA soit environ 600 euro par numéro) grâce à la vente en kiosque, la commercialisation d’encarts publicitaires dans le journal et accessoirement de prestations de saisie informatique.
« Cette initiative ne m’a pas donné tort. Des gens viennent me voir pour me témoigner leur reconnaissance lorsqu’un article les a particulièrement touché. Personnellement, la poursuite de mes idées, de mes aspirations m’a aidé à me dépasser. Je me sens plus cultivé et j’apprécie énormément ce métier qui est en définitive un métier de relations. Je continue à rêver que notre groupe de presse puisse se doter d’une télévision locale et d’une radio. J’aimerais également pouvoir participer à des rencontres internationales comme le Sommet mondial de l’information ou le Forum social mondial. D’autre part, le siège du journal est un lieu de rencontre de beaucoup de jeunes et c’est une très bonne chose. Je milite pour la cause des jeunes dans cette région car il me semble que le progrès social ne pourra se faire qu’avec et grâce à eux. Je croise tous les jours des lycéens qui réclament plus d’autonomie, de reconnaissance et d’espaces pour s’exprimer et entreprendre des initiatives. Ils ont une dent contre leur environnement familial et éducatif et contre les institutions. Ils sont aussi victimes du chômage. J’aimerais trouver des moyens pour les regrouper et leur permettre de faire des projets. Donnez-moi des fonds pour organiser un forum de la jeunesse d’Agadez et vous allez voir ! ».
Quelques compléments :
un site web consacré à la ville d’Agadez sur lequel Aïr info est mis en téléchargement.
Mots-clés
Aire géo-culturelle: Afrique de l’OuestCatégorie d’acteur: Média, journaliste et éditeur
Domaine d’action: Communication - médias - Démocratie - citoyenneté
Itinéraire de vie: Attirance passionnelle - Engagement et volonté - Prise de responsabilité
Méthode d’action: Création d’organisations et de réseaux - Expérimentation et innovation
Mutation sociale: 1 Diffuser, partager la connaissance et transformer le système éducatif - 1 Promouvoir une éthique commune - 1 Promouvoir des médias libres, au service de la compréhension du monde, du contrôle démocratique et de l’action citoyenne - 3 Développer la citoyenneté active