Soldat Lamine Cisse Mboku Haleye
« It’s allright. You just have to screw and the oil will stop leacking ! » annonce Lamine, tranquillement accroupi derrière la voiture en regardant l’huile suinter du pont arrière. Après avoir encaissé une ornière sur la piste qui mène de Georgestown à Banjul, Lamine abaisse ses défenses, s’arme de quelques sourires et dévoile, dans son uniforme militaire, quelques morceaux de désirs et d’imaginaire.
Sur la piste qui relie Georgestown à Banjul au nord du fleuve Gambie, de légères irrégularités de la route, plutôt fréquentes dans ce pays, viennent de faire rebondir sérieusement Marguerite et tout son intérieur avec.
Gambie. Farafenni. Ca ne nous ressemble pas tellement de retourner d’où venons dans ce voyage. Mais ce coup-là, pas le choix. Il nous manque un passeport oublié la veille à l’hôtel. Explications avec les autorités, puis demi-tour dare-dare pour récupérer le précieux livret. Le soldat Lamine Cissé Mobku Haleye est mécanicien dans le régiment d’infanterie de Farafenni. Nous l’avons embarqué à bord parce qu’il retourne comme nous à Banjul. Après avoir rigolé du choc qu’il vient de se prendre sur le plateau en contreplaqué, il est descendu immédiatement pour vérifier si le chassis de la voiture n’en a pas pris un coup. Coopérant le gaillard !
Sa famille est là-bas à Bakau, tout près de Banjul. Kane et Mohammed, ses deux enfants de 7 et 3 ans et Fatou sa femme qui vivent avec sa modeste paye de 1500 dalachis par mois (50 euros). Je comprends qu’il ne sait pas écrire quand je vois qu’il ne veut pas inscrire son nom et son adresse sur mon calepin. Mais il écrit tous les noms de ses amis et leurs numéros de téléphone sur son portable. Ca ne l’empêche en rien de se sentir artisan de ce monde. Dans l’armée, il est tantôt dans la mécanique, tantôt soldat d’infanterie. Il a choisi de rester environ 9 ans sous les drapeaux. Il a trente ans, il doit en être à peu près à sa cinquième année. Il aurait préféré faire du business : monter un commerce, être vendeur de biens voire même aller en Europe car là-bas « tu peux réussir plus facilement ton commerce. Ici quand tu veux créer ton affaire, tu as du mal à trouver de l’argent pour te lancer. C’est un vrai problème d’avoir suffisamment de pognon pour démarrer » dit-il.
Il repète plusieurs fois ce mot : coopérer. Je suis étonné de le voir mettre cette idée autant en avant. Ensemble nous jouons le jeu d’imaginer ce que pourrait être un corps militaire consacré non plus à la défense, mais à la coopération et à l’aide au développement.Un autre type d’offensive.
« Je pense que c’est bon pour les jeunes de s’engager dans l’armée. Tu n’es pas livré à toi-même, tu peux apprendre un métier, t’entraîner et apprendre à coopérer » dit-il. Vous savez, l’Afrique est très diversifiée. Il y a beaucoup de langues, de tribus, d’éthnies et cela amène beaucoup de différences entre les gens. De richesses aussi. Je voudrais que les gens coopèrent. Sans la coopération tu ne peux rien faire. Et l’éducation est très importante pour ça : c’est grâce à elle que nous pouvons réussir à se comprendre et donc à mieux coopérer ».
En parlant de coopération, le voilà qu’il passe à l’acte : lors d’un autre contrôle de gendarmerie, il nous tire d’affaires en réussissant à convaincre un policier plus que septique qui dit vouloir me garder au poste en attendant de voir revenir le papier officiel. Puis la caravane repart et la conversation continue, tous deux recroquevillés au milieu des caissons du plateau arrière de la voiture.
« Je voudrais aider davantage ma famille et faire en sorte que mes amis deviennent meilleurs. Je pense pouvoir les aider à devenir meilleurs, si moi-même j’arrive à être meilleur, si j’arrive à être fidèle à ce que je suis et à ce que je pense. Je crois qu’en étant bon, je pourrais aider les autres à être bon eux-aussi et je souhaite que mon entourage me voit comme quelqu’un de bien ».
Les rêves de Lamine ne donnent-ils pas envie de traverser les frontières ? D’autres frontières ?
Sa famille est là-bas à Bakau, tout près de Banjul. Kane et Mohammed, ses deux enfants de 7 et 3 ans et Fatou sa femme qui vivent avec sa modeste paye de 1500 dalachis par mois (50 euros). Je comprends qu’il ne sait pas écrire quand je vois qu’il ne veut pas inscrire son nom et son adresse sur mon calepin. Mais il écrit tous les noms de ses amis et leurs numéros de téléphone sur son portable. Ca ne l’empêche en rien de se sentir artisan de ce monde. Dans l’armée, il est tantôt dans la mécanique, tantôt soldat d’infanterie. Il a choisi de rester environ 9 ans sous les drapeaux. Il a trente ans, il doit en être à peu près à sa cinquième année. Il aurait préféré faire du business : monter un commerce, être vendeur de biens voire même aller en Europe car là-bas « tu peux réussir plus facilement ton commerce. Ici quand tu veux créer ton affaire, tu as du mal à trouver de l’argent pour te lancer. C’est un vrai problème d’avoir suffisamment de pognon pour démarrer » dit-il.
Il repète plusieurs fois ce mot : coopérer. Je suis étonné de le voir mettre cette idée autant en avant. Ensemble nous jouons le jeu d’imaginer ce que pourrait être un corps militaire consacré non plus à la défense, mais à la coopération et à l’aide au développement.Un autre type d’offensive.
« Je pense que c’est bon pour les jeunes de s’engager dans l’armée. Tu n’es pas livré à toi-même, tu peux apprendre un métier, t’entraîner et apprendre à coopérer » dit-il. Vous savez, l’Afrique est très diversifiée. Il y a beaucoup de langues, de tribus, d’éthnies et cela amène beaucoup de différences entre les gens. De richesses aussi. Je voudrais que les gens coopèrent. Sans la coopération tu ne peux rien faire. Et l’éducation est très importante pour ça : c’est grâce à elle que nous pouvons réussir à se comprendre et donc à mieux coopérer ».
En parlant de coopération, le voilà qu’il passe à l’acte : lors d’un autre contrôle de gendarmerie, il nous tire d’affaires en réussissant à convaincre un policier plus que septique qui dit vouloir me garder au poste en attendant de voir revenir le papier officiel. Puis la caravane repart et la conversation continue, tous deux recroquevillés au milieu des caissons du plateau arrière de la voiture.
« Je voudrais aider davantage ma famille et faire en sorte que mes amis deviennent meilleurs. Je pense pouvoir les aider à devenir meilleurs, si moi-même j’arrive à être meilleur, si j’arrive à être fidèle à ce que je suis et à ce que je pense. Je crois qu’en étant bon, je pourrais aider les autres à être bon eux-aussi et je souhaite que mon entourage me voit comme quelqu’un de bien ».
Les rêves de Lamine ne donnent-ils pas envie de traverser les frontières ? D’autres frontières ?
Banjul, le 28 mai 2004
Mots-clés
Aire géo-culturelle: Afrique de l’OuestCatégorie d’acteur: Militaire
Domaine d’action: Paix - guerre
Itinéraire de vie: Désir d’échange et de partage - Poursuite des idéaux ou d’une éthique