D’ailleurs, il ne s’accroche pas, pas de lutte ou de combat, c’est la vie c’est tout, c’est comme ça. Après une journée bien remplie, c’est simplement qu’il vient me rejoindre dans le jardin qu’il astique chaque jour avec l’envie de comprendre notre chemin et de nous expliquer le sien.



Tu sais, si je travailles ici, c’est uniquement parce que je ne veux pas rester à rien faire. J’ai déjà travaillé ici mais la paie était trop faible alors je suis parti. Seulement, j’ai rien trouvé d’autre alors je suis revenu, il y a trois jours. C’est mieux que de rester à ne rien faire et avoir l’esprit qui tourne en rond. Au moins ici, je suis occupé et j’ai le temps de penser à ce que je voudrais faire.


En fait, j’aimerais pouvoir continuer mes études, finir les trois années de lycée qui me restent à faire et aller à l’université. Je veux reprendre des études en Business management. Avec un bagage comme celui-là, je pourrais monter une ferme autour de Banjul, y faire à la fois élevage et agriculture. Mes parents étaient des fermiers plus loin vers l’est, à Bansang Missera. Mon père est décédé en 1995, ma mère a bien essayé pendant les cinq années qui ont suivies d’assurer notre scolarité, mais c’est vite devenu difficile et donc j’ai proposé d’arrêter l’école pour aller travailler et rapporter un peu d’argent à la famille. Aujourd’hui, il n’y a que ma mère pour s’occuper de la ferme et aller vendre les produits de cueillette, les mangues surtout, dans les lumos autour de notre village. C’est une femme courageuse et je veux pouvoir l’aider à mon tour pour qu’elle soit bien pour ces vieux jours. La ferme ne marche plus beaucoup en fait, elle sert juste à nous fournir un minimum pour subsister. Si un jour j’arrive à monter cette ferme dont je rêve, j’aimerais aussi mettre en route un petit restaurant sur le côté ou ouvrir une petite Guest House où on pourrait directement vendre les produits de la ferme, comme de la confiture ou de la gelée de mangues et d’oranges, du jus de gingembre.


J’ai fait mes calculs, en réussisant à mettre un peu d’argent de côté chaque mois, dans quelques temps je pourrais me payer à nouveau la scolarité. Je ne veux pas travailler et aller à l’université en même temps, je préfère avoir l’esprit complètement disponible et ne pas être perturbé par le boulot ou le patron. Je vais sauver de l’argent et ensuite je m’y mettrais. Ensuite j’essaierais de me faire parrainer. Quand tu marches bien, des cabinets privés ou des ONG peuvent te parrainer.


Et puis, ce serait pour moi l’occasion d’offrir du travail à ceux qui n’en n’ont pas, qui n’ont pas la chance de pouvoir monter ce genre de projet, les aider en leur proposant une activité. Ce sera bien pour ma famille, pour mes petites soeurs particulièrement, elles pourront continuer à aller à l’école, apprendre et ensuite avoir une situation correcte.


J’aimerais voyager aussi, aller un peu partout comme vous le faîtes, visiter le monde, rencontrer d’autres gens, d’autres cultures et revenir plus riche de toutes ces expériences. Pour moi, le voyage est un moyen formidable de s’éduquer. Tu vois tellement de chose quand tu voyages, chaque jour, chaque instant. Me sentir libre et voyager en paix, en diffusant un message de paix, sans violence, juste aller à la rencontre des autres, j’aimerais faire ça.


Avant de se quitter et le laisser rejoindre sa couche, ses derniers mots seront sans appel : Tu sais, j’ai pas grand chose mais je sais que je suis sur la bonne pente, je me suis remis en route et je pense que tout ça est possible. En tout cas, j’y crois.



Khalifa Atty est Gambien. Il est né à Bansang Missera et vit aujourd’hui à Banjul. Il a 23 ans.