Rekaya believes in the power of knowledge
Si vous vous baladez par hasard dans le grand
bazard de Osh, il se pourrait que Rekaya vous attrape et vous assaille de questions. En flânant dans le lieu, Rekaya est naturellement venue nous aborder avec une curiosité déconcertante et avec un anglais sans miettes et sans bavures. On passe facilement deux heures en sa compagnie, puis une demi-journée dans son université à discuter avec ses étudiants.
"J’aime avant tout le contact avec les étudiants. C’est une relation qui m’enrichit. En première année, les étudiants sont très spontanés. Nous avons créé des beginners club, ce qui leur permet de pratiquer leur anglais et de progresser plus vite. Ma présence dans ces clubs est bénévole. Je suis très attentive au déroulement et à la préparation de mes cours en essayant de varier mes approches pédagogiques, et de temps en temps d’inviter des étrangers à venir discuter en complément d’un cours. Pour moi, être professeur signifie laisser tomber beaucoup de choses et m’y consacrer complètement. J’aurais voulu faire de la politique, mais je ne me trouve pas suffisamment sérieuse et trop joueuse pour cela !
Mon plus grand défi est de travailler avec l’administration universitaire. Elle a tendance à
vouloir contrôler et exercer de la pression sur les gens. Elle donne plus de valeur aux professeurs plus âgés et plus prestigieux, notamment ceux qui ont réalisé leurs études à l’étranger. Nos relations quotidiennes sont cordiales, mais je sens bien l’effet de ces jeux de pouvoir. On passe davantage d’énergie dans ces jeux de domination plutôt que dans la recherche de nouvelles méthodes et de coopération. On incite les gens à être égoïste. Comment faire pour avoir plus de démocratie au sein même de l’université ?
L’administration demande aux professeurs d’écrire leurs cours à l’avance. J’y passe 50% de mon temps ! Le système demande aux étudiants de payer leur année universitaire en fonction du nombre de matières enseignées. On arrive à mettre 14 matières dans un semestre comme par hasard ! L’université souffre d’absentéisme, les étudiants sont peu motivés.
Je pense qu’il faudrait réformer l’université et promouvoir ses relations avec la société, apporter plus de pertinence dans les cursus et davantage de démocratie dans son organisation. Si je veux faire passer ce message aujourd’hui, je dois acquérir une position et un prestige qui puissent m’y autoriser, autrement dit me qualifier et aller étudier ailleurs. Les sciences de l’éducation m’attirent vraiment vis à vis du métier que j’exerce, et également pour la capacité d’influence que cela me donnerait ici. Ma famille ne comprend pas tellement ce choix de poursuivre des études. C’est aussi un chantier pour moi de les convaincre ! En tous cas, ma vie est ici. Je rêve d’aller en Europe pour étudier et je rêve autant de mon retour au Kirghizistan ! ".
NB : Rekaya évoque l’intérêt du projet Civil Education Project conduit sur deux ans sur Osh (http://www.cep.org.hu). Elle participe également aux rencontres de jeunes organisées dans le cadre de l’OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe).
Mots-clés
Aire géo-culturelle: Asie centraleCatégorie d’acteur: Enseignant et universitaire - Femme - Jeune
Domaine d’action: Education - formation
Itinéraire de vie: Curiosité - découverte - Poursuite des idéaux ou d’une éthique