Traverser les déserts... deuxième manche

J’avais du m’endormir sans m’en rendre vraiment compte parce que quand j’ai entendu bouger dans la voiture et que j’ai aperçu Félipé de l’autre côté de la vitre en train de préparer son sac, j’ai senti sur mon visage l’empreinte de la spirale du carnet que je gardais toujours à mes côtés.

- Quelle heure il est ?

- Il est sept heure moins le quart, le soleil se lève.


Le soleil était en train de passer son nez au-dessus de l’horizon. Il y a d’abord eu une lumière blanchâtre rien de bien extraordinaire et puis très rapidement, sortant du désert, les rayons oranges ont commencé à rougir les quelques escarpements sur lesquels j’étais monté la veille pour essayer de retrouver la piste. Dans une espèce de mouvement de balancier, au fur et à mesure que le soleil s’efforçait de rejoindre comme chaque jour son zenith à lui, les flancs caillouteux, anguleux et arides des escarpements se sont laissés apprivoiser et caresser d’une tendresse rouge-orange que le Roi diffusait généreusement. Le sable dangereux et responsable de toutes nos misères, n’avait plus cet air arrogant et provocateur de la veille. Au contraire, les quelques ombres que dessinaient les tentacules de l’astre de vie sur les maigres arbustes accrochés ça et là aux micro-dunes construites par le vent, semblaient nous sourire et nous accueillir. Le désert se réveillait et ne ressemblait plus à ce monstre impitoyable que nous avions croisé la veille. Un jour nouveau naissait sur cette partie de la planète, et tout le monde semblait vouloir faire en sorte que ce serait un jour heureux. Je n’avais plus peur, je savais que la journée serait difficile mais je me sentais bien, presqu’en accord avec cet environnement qui m’était encore inconnu quelques jours plus tôt.


A peine trois quart d’heure plus tard, je comprenais qu’à l’euphorie du réveil avait fait place la dure réalité de notre situation. Le soleil était désormais suffisamment haut pour être très chaud, le vent suffisamment fort pour être froid, et nos sacs suffisamment lourds pour recommencer à pester contre cette satanée terre de vide.


Marcher dans le désert un sac sur le dos nous a rapidement fait transpirer au point d’être obligés d’avancer face au vent couverts de nos parkas pour éviter de prendre froid. J’avais l’impression de monter en température à chaque enjambée. Je sentais la sueur couler le long de mon dos et pas un seul coin d’ombre ou un rocher plus gros que les autres pour s’abriter du vent. Et cette piste fantôme qu’on ne voyait toujours pas.


On a bien continué comme ça pendant une heure avant de retrouver la piste. On a hésité quelques minutes avant de s’engager dessus tellement le vent qui avait soufflé durant la nuit avait fait disparaître toutes les traces de la veille. Et puis dans le doute on a décidé d’attendre quelques minutes, histoire de ne pas recommencer la malheureuse expérience de la veille, voir si la providence nous donnerait raison aujourd’hui et si une bonne âme passerait par là pour nous secourir. On a regroupé nos deux sacs, on les a mit face au vent, et on s’est assis derrière. On était tous les deux en nage. On sentait le sable au-dessus de nos têtes et sur les côtés. A nouveau on en avait plein le nez, les oreilles, la bouche, les yeux.


Zorro est arrivé, peut-être une heure plus tard. Il chevauchait sur un Prince noir qui avait plus des allures de 504 blanche que d’étalon sauvage. On est parti presqu’aussitôt après avoir réussi à négocier un tarif qui restait de toute façon prohibitif. Il avait la main, donc pas question pour lui de négocier outre mesure. On montait ou on restait planté là en attendant un autre Zorro.


Il était cher mais il savait conduire. Pour ça on n’avait pas été volé sur la marchandise. La 504 était encore en forme pour son grand âge et les centaines de milliers de kilomètres qu’elle affichait au compteur. Oulad Saïd connaissait sa monture et ne dépassait jamais les 110 km/h, là où nous aurions à peine oser imaginer rouler à 60 km/h. Il fallait jouer du volant par petits à coup pour ouvrir le sable, toujours accélérer et glisser, surfer sur le dessus du sable. C’était sa technique et on peut pas dire, ça marchait plutôt bien. On a bien fait une ou deux petites sorties de piste, vite maîtrisées comme il se doit en dérapage controlé, sans broncher et sans même montrer le moindre signe de panique. De notre côté, c’était du fin fond des sièges en skaï de la 504 que nous observions, admiratifs, l’aisance et la rapidité avec laquelle il se jouait des rapports de vitesse accrochés au volant et que nous profitions de l’unique radio mauritanienne qui gazouillait un arabe grésillant à travers des hauts-parleurs qui devaient bien dater des années cinquante.


Oulad Saïd était un ancien gradé de l’armée reconverti en homme d’affaires, tout type d’affaires, entre Maroc et Mauritanie. Il avait participé au conflit avec les Sahraouis. Cette petite expérience lui autorisait les largesses et l’indulgence des nombreux postes de police, gendarmerie et douane qui ponctuaient la piste régulièrement. Contre quelques services ou autres « cadeaux », évidemment. Il trafiquait tout ce qui se commerçait, depuis les voitures, les vêtements, les cigarettes et les devises jusqu’aux femmes destinées à égayer les nuits des malheureux ouvriers du chantier autoroutier qui, un jour, déroulerait jusqu’à Nouakchott un magnifique tapis bitumé synonyme de désenclavement, de développement, d’ouverture, de tourisme et pour Oulad Saïd de prospérité commerciale.


Malgré le pied collé au plancher, les 70 kilomètres qui nous séparaient de Nouâdhibou ont été atteints en plus d’une heure trente. Trop occupé à nous jouer son numéro d’artiste, il en a oublié par deux fois de prendre la bonne bifurcation, ce qui avait tendance à l’agacer puisqu’il perdait du temps et que le temps, comme chacun sait, c’est de l’argent, surtout pour un ex-militaire reconverti en businessman international.


A Nouâdhibou, il a fallu, dans l’ordre, trouver de l’argent, atteindre un garage capable de nous vendre une ou deux courroies de rechange à la bonne taille, lui acheter de l’essence parce qu’on avait fait un détour de dix kilomètres pas prévus au départ, s’arrêter pour acheter des sandwichs dont le sien parce qu’il avait faim et finalement se remettre en route pour espérer atteindre Marguerite avant la nuit. Juste le temps pour nous d’apercevoir depuis les sièges de la 504, notre première véritable ville africaine.


La ville semblait s’étaler de façon décousue et ressemblait à un immense chantier qui se bricolait jour après jour avec les moyens du bord. La route principale, unique deux voies qui traversait Nouâdhibou du nord au sud, était la seule partie bitumée de la ville et accueillait une population de véhicules tous plus rafistolés les uns que les autres qui s’amusaient, dans un tango des plus sensuels, à se croiser, se décroiser, se frôler, se klaxonner et se toucher parfois. De là s’organisaient, de part et d’autre, un dédale de ruelles sableuses encombrées de vaches et de chèvres qui mangeaient papier et plastique en tout genre, de charettes, de détritus plus gros les uns que les autres, de voitures désossées dans lesquelles les poules avaient élus domicile et à côté desquelles parfois on improvisait un commerce, la plupart du temps un restaurant. Aux ruelles, s’accrochaient des maisons qui pour les mieux loties restaient en construction, et qui pour les plus spartiates se présentaient sous la forme de cabanes associant bois, tôle et bâche. Partout des vendeurs ambulants proposaient tout et n’importe quoi. Les visages avaient changé. Ils se révèlaient plus fermés, comme arides, séchés par le soleil et le sable.


Sur la route du retour, on a presque pas parlé. De toute façon notre sauveur était fatigué et il conduisait avec beaucoup moins d’entrain qu’à l’aller. Il devait se dire que son numéro d’artiste ne servait plus à grand chose et que les affaires du jour n’iraient de toute façon pas plus loin que ses deux français. En cette fin d’après-midi, la 504 avait des allures de canapé quatre étoiles et chacun se laissait bercer par les ondulations de la piste.


L’atmosphère de la ville m’a accompagné pendant un bon bout de chemin. Je m’en voulais de n’avoir vu que ça, sans avoir eu le temps de creuser un peu la carapace de Nouâdhibou et de regarder ce qui pouvait se cacher derrière. Oulad Saïd était de toute façon beaucoup trop pressé pour nous autoriser une promenade digestive en ville. Nouâdhibou, deuxième ville du pays m’avait semblé, dur et difficile d’accès, à l’image du désert qui nous entourait.


En fait, une drôle d’impression me tourmentait. J’étais à la fois encore complètement enthousiaste à l’idée de rencontrer ces gens qui semblaient si différents de moi et un peu anxieux devant les difficultés que je devinais à réussir à communiquer avec eux et au-delà partager ce que nous sommes, sans être inévitablement perçu comme un porte-feuille ambulant. Ca m’a fait peur. Je me suis demandé si je serais à la hauteur. Il était prévisible que nous serions de toutes façons perçus comme des étrangers, mais là devant nos différences, devant ces vies qui semblaient si opposées, j’ai compris qu’on avait définitivement franchi une porte. Le vrai voyage commençait.


Remonter la courroie n’a pas été très compliqué. Oulad Saïd nous avait déposé aux roues de Marguerite. Il était plutôt détendu et avait entrepris de nous préparer du thé pour nous réconforter. A peine une demi-heure et tout était bouclé. On se remettait en route.




C’est en arrivant sur la piste, la bonne route cette fois qu’on les a aperçu. Trois véhicules immatriculés en France. Leurs occupants convoyaient deux Renault 21 et une Renault 18 vers les marchés de la Mauritanie et du Burkina Faso pour essayer de les vendre. Ils avaient un guide pour le trajet Nouâdhibou - Nouakchott et nous ont proposé de faire le trajet avec eux, histoire de réduire encore un peu les coûts de la traversée. La première nuit, on l’a passé à faire connaissance autour d’une variété impressionnante de saucissons du pays basque et d’un fromage d’Auvergne.


Gilles et Myriam avait l’habitude de venir se promener sur ces chemins poussiéreux. Myriam était Burkinabée, elle avait 36 ans. Sa grande soeur avait perdu son mari quelques années plus tôt et très régulièrement, ils faisaient le trajet pour rejoindre son village natal et leur apporter des vêtements, des cahiers, un peu d’argent. Du haut de ces 59 ans, Gilles connaissait bien l’Afrique, il y avait travaillé pendant des années pour de grands groupes pétroliers, s’était marié, avait eu deux garçons qu’il ne voyait plus, avait rencontré Myriam et avait changé de vie. Il se faisait plaisir comme il disait. Plutôt que d’aller pointer tous les matins, il s’était organisé depuis plusieurs années un commerce qui lui permettait de vivre modestement mais tranquillement. Il descendait régulièrement de France pour rejoindre la Mauritanie, le Mali ou le Burkina et y vendre les voitures qu’il convoyait. A la descente les voitures s’allégeaient du matériel en tout genre dont elles étaient bourrées jusqu’au plafond et qui le long de la route trouvait des acheteurs. Dans les voitures de Gilles on pouvait trouver des téléviseurs, des téléphones portables, des pièces de voiture, des vêtements, des chaussures, des matelas, des glacières, de l’outillage, des postes de radio, des livres, des magazines, du whisky, de la bière, enfin tout ce qui pouvait faire des heureux au Maroc, en Mauritanie, au Mali, au Burkina. Le Sénégal ne faisait plus parti de ces heureux destinataires depuis que le gouvernement avait décidé de fermer ses frontières aux véhicules agés de plus de cinq ans, au grand damne des sénégalais. Le retour s’effectuait toujours en avion, les bras et les bagages chargés cette fois d’objets artisanaux, de masques, de statuettes, de sacs, de tissus, de colliers, de bracelets, de cigarettes par dizaine de cartouches, de tout ce qui ferait des heureux en Europe. Dans les deux sens et grâce au réseau qu’ils s’étaient au fil du temps constitué, Gilles et Myriam faisaient des heureux et n’étaient pas malheureux.


Patrice était bordelais, la quarantaine déjà bien entamée. Il avait le travail en horreur, avait essayé une fois quand il était plus jeune et n’avait pas trouvé ça des plus intéressant. Il aimait venir en Afrique, alors convoyer une voiture et se payer le billet de retour avec la vente du véhicule, ça lui suffisait. A la descente, il employait la même technique que Gilles, et au retour il se contentait des Marlboro et de quelques objets spécifiques dont il avait déjà les acheteurs en Europe. Il se faisait des marges non-négligeables dessus et vivotait de cette façon depuis de nombreuses années. En dehors de ça, il passait son temps entre son fils, ses filles, ses copines qu’il avait nombreuses, et le sport qu’il ne pratiquait pas. Les deux prochains mois, il comptait les consacrer à l’Euro-foot 2004 et aux JO d’Athènes. Tranquille.


Christophe, on a pas trop bien senti le pourquoi de ses visites régulières en Afrique. A part le fait qu’il arrondissait ses fins de mois en convoyant des voitures de temps en temps, il semblait ne trouver d’intérêt à descendre que pour venir caresser les jolies fesses des gazelles noires qu’il avait en adoration, définitivement. Avec sa quarantaine bedonnante, c’était sa façon à lui de faire des heureux, ou plutôt des heureuses. Il ne s’en cachait pas et n’en avait pas honte. Il était même plutôt convaincant dans ses explications : les filles d’ici étaient beaucoup moins compliquées que les européennes. Les choses étaient claires dès le premier regard. Il n’était pas question d’amour, au mieux de tendresse. Chacun le savait. La différence c’est qu’ici il fallait payer, encore qu’en Europe aussi ça coûtait cher de sortir une fille. Et puis de toute façon, c’est l’Afrique qui voulait ça, on payait partout alors pourquoi pas ça ? Les filles n’étaient pas malheureuses d’après lui, même plutôt contentes de pouvoir avoir l’honneur de passer la nuit avec un toubab. Evidemment, comme tous les hommes à la queue pendante, il était convaincu que les femmes n’avaient pas besoin de beaucoup plus que ce qui leur proposait.


On m’avait parlé de tous ces petits trafics qui existaient entre l’Europe et l’Afrique de l’ouest, Maroc compris, mais j’étais loin de me douter que c’était pour certains un véritable boulot. Après tout, comme le disait Gilles, c’était pas un sale boulot. C’était même plutôt le contraire. Partout, il était compliqué de se procurer un téléphone portable, des vis ou des boulons, des chaussures. Les produits bon marché manquaient cruellement. Il était des plus difficile de se procurer une voiture tellement le parc automobile d’occasion dans certains pays était réduit. Alors, adjacent aux circuits « légaux » d’importation de véhicules notamment s’était constitué un réseau parallèle, visible aux yeux de tous, autorités comprises, mais qui servait encore aujourd’hui au mieux être matériel de la population, au développement de certains petits business qui, vu de mon siège, semblait améliorer les conditions de vie de quelques uns.


Le lendemain on est reparti vers 7 H 00. Nos compagnons de route étaient bien décidés à rejoindre Nouakchott le soir même. On avait 600 kilomètres à parcourir et il ne fallait pas traîner. Le guide avait pris le volant de la Renault 18 et il ouvrait la route. On a fait cap vers l’est d’abord pour entrer dans le désert puis direction plein sud. Très rapidement on a compris que ce ne serait pas une journée de tout repos. Les premiers passages délicats ont fait s’ensabler les 21. Au début, on utilisait les planches transportées par Gilles pour caler sous les roues, et on poussait. Mais vu les difficultés et la vitesse de progression du convoi, il a bien fallu employer les grands moyens. On a sorti plaques de désensablages, sangles et manilles et Marguerite a commencé à désabler de façon régulière les deux 21 à tour de rôle. Notre Marguerite qui hier était plantée dans le désert, aujourd’hui, faisait étalage de toute sa robustesse et puissance.


A midi, on avait à peine parcouru le tiers de la route. Le soleil avait pris possession du désert et on devait bien tourner à une quarantaine de degrés dans la voiture. D’autant que Marguerite avait un peu chaud et que pour aider à son refroidissement on avait enclenché le chauffage. C’est le moment qu’a choisi Gilles pour faire exploser une durite d’eau, ce qui a eu pour effet immédiat de faire chauffer sa voiture et de dégager une nuage d’eau qui impressionne toujours un peu, surtout quand on est en plein désert par une lourde et chaude journée de printemps. On s’y est tous mis, ça a du prendre à peu près une heure de temps, rien de dramatique, sauf que ça nous retardait toujours un peu plus.


On a passé toute la partie sableuse pendant la journée et quand la nuit a commencé à tomber, il nous restait encore deux cents kilomètres à parcourir sur ce qu’on a coutume d’appeler, la « tôle ondulée ». Conduire à 70 km/h sur ces pistes striées perpendiculairement par des sillons d’une trentaine de centimètres de large, c’est un peu comme utiliser un marteau-piqueur pendant toute une journée. Toute la voiture, des moindres boulons jusqu’aux vitres en passant par le volant, les sièges, tout tremble dans un vacarme abrutissant qui ne vous fait désirer qu’une chose : arriver le plus vite possible. On avait bien croisé jusque là des morceaux de pistes du même acabit, mais sur une aussi longue distance, de nuit de surcroît, concentrés sur la piste pour éviter les trous, la voiture qui, rebondissant, avait tendance à perdre de l’adhérence, les camions qui préfèraient circuler de nuit, l’angoisse permanente de faire une embardée, c’était plus du sport automobile qu’une balade de santé. Même en se relayant à peu près toutes les demi-heures, on a dérouillé un peu cette nuit-là. On a finalement atteind Nouakchott vers deux heures du matin, relativement épuisés et encore un peu sur les nerfs.


Quand je me suis couché sur le lit qu’un de leurs amis maures avait préparé en prévision de notre arrivée, j’avais l’impression que mes bras et mes jambes étaient restés sur la tôle ondulée. J’ai pas trouvé le sommeil tout de suite. J’ai repensé à ces deux journées qui venaient de s’écouler. Pour une première traversée du désert, on avait été gentillement baptisé.


Rapidement j’ai revu l’aridité du désert, le sable, le vent, la chaleur, la courroie déchiquetée, Oulad Saïd, Nouâdhibou, la piste à 110 km/h, les saucissons, le moteur de Gilles enfumé, Marguerite tractant les véhicules les uns après les autres, la tôle ondulée et le bruit de la voiture qui souffrait. Dans un demi-sommeil, j’ai revu aussi les couleurs du matin et le feu du soleil couchant qui réchauffait cette caravane de chameaux sauvages qui croisait non loin de notre chemin. Ils semblaient paisibles dans leur avancée, marchaient lentement comme pour mieux nous offrir ces magnifiques images. Sur la musique de la tôle ondulée sur les tôles de Marguerite est venue prendre place la douce et symphonique musique des steppes de l’asie centrale de Borodine. La voiture ne souffrait plus, elle semblait flotter sur un magnifique goudron qui n’aurait présenté aucune aspérité. Le calme était revenu enfin, et nous avions désormais tout le loisir d’observer les magnifiques mouvements de ces chameaux qui faisaient route vers le nord. La piste nous avait rapproché de la caravane et la voiture évoluait désormais au milieu du troupeau en adaptant sa vitesse à la progression du groupe. La chaleur était douce et protectrice. La tête dodelinante, ils continuaient leur cheminement lentement sans se préoccuper de notre présence. Ils étaient grands, majestueux et dégageaient une espèce de sérénité dans leurs mouvements que seuls possèdent les grands sages qui ont vécus. Ils me rassuraient ces châmeaux. Ils me rassuraient sur le choix que j’avais fait de vivre tout cela, ils m’encouragaient sur la suite du voyage, ils me berçaient, m’entouraient de leurs fourrures épaisses, me réchauffaient, m’accueillaient dans le creux de leurs pattes à la nuit tombée, prenaient soin de moi.


Mes nerfs se sont relachés dans un dernier soubresaut et le royaume des rêves est venu me chercher.


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