La mécanique, outil de progrès ?

Le français, pas l’américain ! Saïdou hausse le ton, ça traîne. La quinzaine d’apprentis qui l’entoure n’est pas assez rapide à son goût. Un tournevis plat (le français) c’est pas un cruciforme (l’américain), c’est pas compliqué. Bienvenue au Garage du progrès. Ici, on répare et on apprend la mécanique.


Saïdou est dans la mécanique depuis plus de 17 ans. C’est un as. En tout cas pour nous, il l’est vraiment depuis qu’il a opéré Marguerite, à coeur ouvert, en pleine nuit. Faut dire qu’il est correctement équipé : formation de mécanique générale, spécialisation diéséliste au Togo puis au Bénin (les plus avancés dans le domaine à l’échelle de l’Afrique de l’ouest, paraît-il !) et spécialisation en électronique auprès du groupement allemand GTZ. Un as, je vous dis.

Depuis quatre ans, il est le « chef mécanicien » du Garage du progrès (ça s’invente pas !!) à Ouahigouya. Depuis quatre ans, il en a démonté des voitures importées d’Europe, il en a réparé des moteurs et surtout en quatre années, il en a croisé des apprentis, des jeunes des 18 à 25 ans, qui au lieu de traîner dans la rue, puisqu’ils ne veulent plus aller à l’école, viennent ici apprendre un métier. Forcément, ça donne des idées.

« Mon rêve, c’est d’aller plus loin que ce que l’on fait aujourd’hui. Aujourd’hui, les jeunes viennent et ils apprennent sur le tas. La majeure partie d’entre eux ont quitté l’école pour des raisons diverses. Plusieurs ne savent ni lire, ni écrire. Ils ont quitté en primaire, sans même avoir leur certificat d’étude à la fin du CM2. »

« Mais ici, ils sont bien. C’est presque comme une école. Les plus anciens s’occupent des plus jeunes, ils les encouragent à retourner à l’école pour au moins savoir lire et écrire. Ils aiment être ensemble, travailler ensemble, apprendre. Ils sont courageux, tous sont là dès 6h00 du matin et ne repartent pas avant 20h00, parfois 22h00. Ils ne gagnent pas grand chose, parfois 1000 francs pour les plus expérimentés, les autres touchent entre 100 et 300 francs. Avec ça, ils peuvent se nourrir le midi et le soir, acheter leurs cigarettes. C’est peu, mais ils ne traînent plus dans les rues et ils sont fiers de dire qu’ils ont une activité. »



« Parfois on peut avoir une vingtaine d’apprentis, il y a une fille et quelques jeunes diminués physiquement (handicapés). Tous savent très bien qu’ils ne seront jamais employés, qu’ils n’ont aucun avenir dans le garage. Certains d’entre eux sont là depuis plusieurs années : Ouoba par exemple, il est là depuis ses 15 ans et il en a 22 aujourd’hui. Depuis sept années, il vient, n’hésitant pas à travailler même le dimanche. »

« Alors, mon idée, c’est de monter un centre de formation en mécanique pour tous ces jeunes qui sont en échec scolaire. Leur offrir une vraie formation, plus large et plus encadrée que la méthode d’apprentissage sur le tas. Un atelier de mécanique doublé d’une école, un centre qui associerait la pratique et la théorie. La salle de classe serait attenante au garage et on pourrait y dispenser aussi des enseignements de base, notamment pour y apprendre à lire, à écrire, à compter, ce qu’un bon mécanicien doit savoir faire aujourd’hui. On pourrait y faire les cours le matin, et la pratique l’après-midi. Je sais que c’est possible, avec des mécaniciens motivés. On pourrait même faire intervenir des spécialistes, comme les diésélistes du Togo, pour des initiations ou des perfectionnements. »




« Je vais y aller petit à petit. Je vais commencer par rencontrer des gens qui pourraient m’épauler dans la démarche, pour monter un dossier solide. Ensuite, il faudra le soumettre à des partenaires potentiels. J’ai déjà quelques idées, je pense que ça pourrait intéresser la Mairie de Ouahigouya qui depuis peu s’est lancée dans un vaste programme d’alphabétisation en organisant des cours du soir. On pourrait peut-être se greffer là-dessus dans un premier temps. Puis, si ça prend, on achètera un terrain, on y construira un atelier couvert digne de ce nom (avec des douches) pour que les jeunes y pratiquent dans de bonnes conditions, et une ou deux salles de classes. Ensuite, il suffirait d’avoir des voitures à bricoler, pour mettre une partie de l’argent qu’on toucherait avec les réparations directement dans le fonctionnement du centre. Je pense qu’avec une bonne gestion, on pourrait s’autofinancer. »

« Et puis, pourquoi pas une bibliothèque, qu’on pourrait remplir des vieux manuels scolaires de mécanique dont vous ne vous servez plus en Europe, comme les vieilles revues techniques des antiques 403 et 404 : ça roule plus chez vous !!!, faut nous les envoyer !!! Et avec tout ça, peut-être que dans plusieurs années, on sera devenu LE centre de ressources mécaniques du Burkina, et pourquoi pas de la sous-région. Mais là, je crois que je rêve !!! »



Pour découvrir le projet de Saidou (Document PDF - 60 Ko) -> télécharger



Saïdou Drabo a 38 ans, il est issue d’une grande famille de mécaniciens, depuis Ouahigouya jusqu’à Ouagadougou. Il vit à Ouaga avec sa femme et a une petite fille.

Ouahigouya - Burkina, le 30 juillet 2004. </div







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